Traduction de la version originale en anglais avec la participation de Hugo.

Je la vois de l’autre côté de la rue. Elle se promène avec ses amies. Elle a un sac suspendu au bras. Elle marche gracieusement, ses hanches ondulent. Elle sourit, parle, rit. Je la suis de ma chaise, je la contemple derrière mon journal, à travers les fenêtres des voitures. Je vois son reflet sur la vitrine d’une boutique, elle s’accroupit pour regarder des chaussures qui lui plaisent. Elle se lève, se faufile entre les voitures, à l’affût d’un moment pour traverser. Ses amies la suivent, la dépassent. Elles s’assoient, à la table du café, pas si loin de moi.

Mon coeur s’accélère, je peux à présent la dévisager. Je commande encore un café quand le serveur passe pour prendre leur commande. Nos regards se croisent par inadvertance, elle me remarque, son amie fait une blague, tandis qu’elle esquisse un sourire et retourne à sa conversation. Elle porte une cigarette à ses lèvres, l’allume et aspire. Elle enlève sa veste, l’adosse sur sa chaise, et en se retournant l’étirement du tissu léger de son chemisier laisse transparaître sa bretelle. Elle pose ses lunettes de soleil, je vois plus distinctement les lignes de son visage, son nez, ses yeux. Elle est belle, presque trop, une beauté captivante, qui suscite l’attention sans effort, une beauté qui rend trop souvent capricieuse et égoïste. Malgré ça, ses manières laissent à porter croire qu’elle est avenante, amicale, généreuse et aimante.

J’imagine que ses parents l’aiment énormément, mais ont toujours été strictes. Je l’imaginais enfant, courant dans des champs verts, main dans la main de son père. Je la voyais dans les bras de sa mère, appréciant les caresses de sa mère dans ses cheveux. Je la vois, maintenant, allongé dans son bain, les yeux fermes, le bonheur sublime d’être émergé dans l’eau parfumée. Durant un longue moment, je détourne mon attention, je lis les gros titres, le menu, je regarde la rue, je fume, mais finalement je me sens attiré inexorablement par elle. Elle écoute les paroles de ses amies l’esprit ailleurs. Je souris, elle le voit, elle me rend ce sourire. Je veux détourner mon regard, mais je n’y arrive pas, je sens mon sourire s’effacer et à son tour le sien. Je cligne des yeux, mon café arrive. Le serveur demande de régler. Je cherche de la monnaie dans ma poche, lui donne, et me retourne vers elle, elle me remarque mais ne tiens pas mon regard à nouveau. Plus je la regarde, plus j’attend, plus il est difficile d’aller me présenter. Malheureusement je ne peux pas me lever, m’approcher d’elle, m’imposer à elles.